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RAPPORT EXPLICATIF
adopté par l'Assemblée Générale le 3 septembre 1980 à Munich
1. La raison d'être et l'historique de la Convention
1.1. Les officiers de l'état civil se heurtent souvent à des difficultés lorsqu'il s'agit de déterminer les noms et prénoms d'une personne. Un grand nombre de ces difficultés provient du caractère incertain ou du manque d'uniformité des règles de droit international privé des différents États.
La Commission Internationale de l'État Civil s'est rendu compte de ces difficultés et a cru devoir y remédier dans la mesure du possible. Elle a mis au point deux Conventions : l'une (n° 4) relative aux changements de noms et prénoms, signée à Istanbul le 4 septembre 1958 et entrée en vigueur le 24 décembre 1961, et l'autre (n° 14) relative à l'indication des noms et prénoms dans les registres de l'état civil, signée à Berne le 13 septembre 1973 et entrée en vigueur le 16 février 1977.
1.2. Puis, l'Assemblée Générale, le 14 septembre 1973, a délibéré de l'utilité d'une nouvelle Convention qui déterminerait les règles applicables aux noms et prénoms. Mise à même de mieux se décider à l'aide d'un inventaire des problèmes de droit international privé qui se sont posés aux Pays-Bas, l'Assemblée Générale a autorisé le Bureau, le 13 septembre 1974, à poursuivre les investigations et à nommer, le cas échéant, une sous-commission. Celle-ci nommée le 2 avril 1975, s'est réunie la première fois le 8 septembre suivant. Le 11 avril 1978, elle a adopté un projet de Convention qui a été présenté au Bureau ; celui-ci l'a examiné le 11 septembre 1978 et, les 21-22 mars 1979, a soumis un projet modifié à l'Assemblée Générale. L'Assemblée Générale a adopté la Convention le 6 septembre 1979.
2. Le domaine d'application
La Convention a pour objet d'établir des règles communes de droit international privé sur les noms et prénoms des personnes. Les États contractants appliqueront ces règles à toute personne physique, qu'elle soit ou non ressortissante de l'un de ces États.
La Convention est ouverte à l'adhésion des États non membres de la Commission Internationale de l'État Civil.
La Convention est fondée sur la distinction entre les noms de famille et les prénoms. Dans le domaine des noms, on trouve parfois des vocables qui échappent à cette distinction (Zwischen-namen). La Convention ne règle pas directement ces problèmes ; leur solution devra s'inspirer des principes posés par celle-ci.
3. Les idées directrices de la Convention
La Convention a été conçue sur la base des idées directrices suivantes :
- les noms et les prénoms font l'objet d'une règle de conflit autonome ;
- les noms et prénoms d'une personne sont déterminés par la loi de l'État dont elle est ressortissante ;
- les "questions préalables" sont résolues selon le droit international privé de cet État ;
- en cas de changement de nationalité, les règles de droit de l'État de la nouvelle nationalité sont applicables.
3.1. Les noms font l'objet d'une règle de conflit autonome. L'adoption de ce principe fait que la matière des noms et prénoms sera ou restera soustraite au domaine d'application des règles de conflit concernant la filiation, les effets de l'adoption et les effets du mariage. Un tel principe s'est imposé. Sinon, les États contractants auraient dû se mettre d'accord sur les règles de conflit concernant ces matières pour parvenir à une solution uniforme. On voit mal une telle opération aboutir dans un avenir proche ou même éloigné.
Des conflits de conventions seraient difficiles à éviter. En outre, la matière du nom est, en droit international privé ainsi qu'en droit public, suffisamment distincte de celle des effets du mariage, de la filiation et de l'adoption, pour justifier une règle de conflit spéciale. Le fait que le nom soit soustrait de cette façon au domaine d'application de plusieurs règles de conflit peut être apprécié comme un indice important à cet effet.
La loi interne désignée par la règle de conflit autonome détermine les effets sur le nom d'un rapport de famille dont l'établissement et le contenu peuvent, le cas échéant, être régis par une autre loi. Si, par exemple, dans un État A, la reconnaissance d'un enfant né hors mariage ressortissant de cet État est régie par la loi B, le nom de l'enfant sera régi par sa propre loi nationale, c'est-à-dire la loi A. Il se peut que la reconnaissance faite en conformité de la loi B ait, selon cette loi, des effets sur le nom de l'enfant reconnu, mais ne les ait pas selon la loi A, ou inversement. On s'est bien rendu compte de cette conséquence en créant une règle de conflit autonome.
3.2. Le nom et les prénoms d'une personne sont déterminés par la loi de l'État dont elle est ressortissante.
Le choix du point de rattachement a fait l'objet d'un examen approfondi. On s'est demandé, d'une part, si les problèmes rencontrés par la grande majorité des officiers de l'état civil pour appliquer une loi autre que leur loi nationale ne sont pas trop importants et si la sagesse n'impose pas de se résigner à l'application de la loi nationale de l'officier de l'état civil appelé à établir un acte, et d'autre part, si à l'avenir on ne serait pas amené à abandonner le rattachement traditionnel de la nationalité et à y préférer le domicile ou même la résidence habituelle.
On a cependant estimé que les difficultés pratiques des officiers de l'état civil, si réelles soient-elles, ne doivent pas déterminer la règle de base de la Convention. En effet, les intérêts légitimes des justiciables et des États ne peuvent être subordonnés au seul intérêt, non négligeable, du bon fonctionnement de l'état civil. Cependant, ces problèmes sont trop importants pour qu'on puisse ne pas en tenir compte dans cette Convention. Aussi, a-t-on adopté une solution qui ne sacrifie pas la règle de base de la Convention. Cette solution qui constitue un compromis satisfaisant se trouve à l'article 5 de la Convention. Cet article est commenté ci-dessous.
La question se pose donc de cerner le rattachement souhaitable, abstraction faite des difficultés qu'éprouvent les officiers de l'état civil à appliquer des lois étrangères. Le nom constitue une matière délicate. Le nom d'une personne représente pour elle autre chose qu'un numéro à l'aide duquel elle est identifiée dans le cadre d'un système d'enregistrement. Le nom touche la personne de manière directe : il a une fonction psychologique complexe. Le nom des autres évoque leur personnalité (cf. agir au "nom" de quelqu'un). Pour le porteur du nom, il contribue à la prise de conscience de son identité. Ignorer son nom, être traité comme un numéro, peut être vécu comme humiliant. Avoir un nom signifie être quelqu'un dans la société. Certains souffrent de leur nom parce qu'il évoque une idée de ridicule, d'autres l'embellissent ou le latinisent, pensant y gagner ; d'autres encore suggèrent une origine noble ou en tout cas aristocratique en manipulant leur nom. Présenter son nom est une manière d'être présent dans la vie sociale. Qu'on pense au sens social et juridique de la signature ou au lien qui existe dans la tradition chrétienne entre le baptême et le prénom.
Il y a des liens qui sont des éléments constitutifs de l'identité de la personne. Ce sont les origines familiales, l'appartenance religieuse, l'appartenance à une nation et à un pays. Souvent ces liens s'expriment dans les noms. En cette matière, l'intérêt de l'administration à une identification simple et certaine n'est donc pas prépondérant.
Le caractère délicat de ces questions n'a pas arrêté, mais au contraire, a plutôt stimulé le législateur qui est intervenu dans la grande majorité des pays pour codifier, préciser ou modifier des règles de droit qui peuvent être l'expression d'une certaine conception de la société et servir d'instrument pour la réaliser.
Il s'ensuit, en droit international privé, que la question se pose de savoir quelle loi doit régir le nom des personnes, et notamment des personnes qui ont leur domicile ou leur résidence habituelle dans un pays dont elles ne possèdent pas la nationalité.
On s'est rendu compte que la solution appropriée aux innombrables cas qui se présentent ne peut être fournie que par une règle précise et certaine. Il est donc impraticable de formuler un principe qui pourrait être écarté si l'appréciation des circonstances y poussait. Des différences d'appréciation sont bien concevables. Les circonstances s'oublient et, après un certain temps, la vérification en devient difficile, d'autant plus que cette règle devra s'appliquer le plus souvent en dehors des prétoires. Son succès résultera de la rareté des décisions judiciaires à intervenir en matière de noms.
Pour déterminer l'identité d'un étranger, les autorités d'un pays et tous ceux avec qui cet étranger entre en contact, ne peuvent s'empêcher d'avoir recours aux pièces d'identité délivrées par les autorités du pays dont il est ressortissant, et ce, sans distinguer selon le lieu du domicile ou de la résidence habituelle. Il est important pour les étrangers qu'en ce qui concerne leurs nom et prénoms, leur permis de conduire, leurs diplômes, leurs documents de banque, etc., soient conformes au passeport. Cet intérêt peut se manifester tant dans le pays où ils résident que dans le pays dont ils sont ressortissants et dans des pays tiers. Ce qui est important donc, ce sont les règles à observer par les autorités qui délivrent des passeports et par les représentants diplomatiques et consulaires lorsque ceux-ci doivent donner une réponse aux questions qui leur sont soumises. On a estimé qu'il leur sera difficile de ne pas traiter sur un pied d'égalité les ressortissants de leur pays et ce, d'autant plus que la notion de la résidence habituelle est trop floue pour déterminer le moment précis où on pourrait passer du régime du droit national au régime du droit de la résidence habituelle. Les personnes qui habitent depuis longtemps à l'étranger n'ont pas toujours la volonté d'être assimilées, en ce qui concerne leur nom, aux citoyens du pays de leur résidence, et cette volonté peut varier selon les circonstances. De plus, en matière de noms, on devrait définir la notion de résidence de manière plus stricte qu'en d'autres domaines, en raison des intérêts de continuité, de stabilité et de permanence qui se manifestent de manière particulièrement aiguë ; pourquoi alors abandonner le rattachement traditionnel à la nationalité ? Après délibérations, il a été décidé de s'y maintenir. Seuls deux aménagements ont été prévus : en premier lieu, l'accord s'est réalisé en toute connaissance de cause sur le fait que la loi applicable comprend les règles de droit international privé. Il s'ensuit qu'un État contractant aura la faculté de déclarer applicable aux noms de ses ressortissants, en général ou dans certains cas seulement, la loi de leur domicile, celle de leur résidence habituelle ou une autre loi. On s'est bien aperçu que cette marge de manœuvre permet même à un État contractant de revenir sur le principe de la Convention. Un État contractant peut, le cas échéant, soumettre, en ce qui concerne ses seuls ressortissants, le nom à la loi qui régit le lien de famille dont il dépend. Le deuxième aménagement consiste en la réserve formulée à l'article 6. Cette réserve a une portée limitée. Il est prévu expressément qu'elle ne vaut que sur le territoire de l'État contractant qui l'a faite. Dans les autres États contractants, le nom d'une personne ayant sa résidence habituelle sur le territoire de l'État qui a fait la réserve est par conséquent déterminé selon les règles de l'article premier.
La réserve concerne toutes les règles de l'article 1.
Le problème de la double nationalité a été écarté du domaine de la Convention. Bien que son actualité ne puisse être ignorée, on a finalement jugé que le domaine des noms était trop limité pour qu'une règle puisse être posée. Le cas de double nationalité se présente par exemple quand une personne acquiert une nationalité sans perdre celle qu'elle avait auparavant.
3.3. Les questions préalables sont résolues selon le droit international privé de l'État dont la personne intéressée est ressortissante. La disposition contenue dans la deuxième phrase du paragraphe 1 de l'article 1 est un élément essentiel de la Convention. Elle est indispensable pour garantir l'unité entre les États contractants en matière de nom.
La règle a une grande portée. Si par exemple, un enfant de nationalité A est adopté dans l'État A par une personne de nationalité B et que cette adoption a, selon le droit A, pour effet que désormais cet enfant porte le nom de l'adoptant, les autorités de B devront reconnaître que cet enfant porte ce nom, même si elles ne reconnaissent pas l'adoption qui est à la base du changement de nom. L'harmonie entre les États A et B, en ce qui concerne le nom de cet enfant est à ce prix. L'avantage de la règle est évident : aussi bien dans les États A et B que dans les autres États contractants, la solution sera la même.
La Convention aboutit à ce qu'un étranger porte les nom et prénoms tels que ses autorités nationales les détermineront en appliquant aux questions qui pourraient se poser leurs propres règles de droit international privé, et à ce que les nom et prénoms d'un ressortissant, tels qu'ils seront déterminés par application des règles de droit international privé de son propre pays, sont reconnus à l'étranger. Les autorités nationales n'ont d'ailleurs pas une compétence exclusive. Toute autre personne pourra et devra appliquer ces mêmes règles.
3.4. En cas de changement de nationalité, les règles de droit de l'État de la nouvelle nationalité sont applicables. La Convention s'abstient de formuler des règles pour résoudre de manière uniforme les questions épineuses qui peuvent se poser à l'occasion des "conflits mobiles", du "Statutenwechsel"; le paragraphe 2 de l'article 1 se borne à renvoyer aux règles de l'État dont la nationalité est acquise.
La disposition a pour effet que tous les États contractants et notamment l'État dont la personne intéressée a perdu la nationalité, doivent accepter les noms tels qu'ils sont déterminés selon le droit de l'État dont cette personne a acquis la nationalité, que cet État ait ou non ratifié la Convention. Si une demoiselle Schuster s'appelle depuis sa naturalisation Schusterova, ce nom sera reconnu. Si une personne a acquis la nationalité étrangère de son époux et a pris son nom, ce nom sera reconnu dans son pays d'origine. Bien qu'il soit souhaitable de respecter les droits acquis, des exceptions ne doivent pas être exclues de manière rigoureuse. Il a été laissé à la discrétion des États de les déterminer et de favoriser l'assimilation de leurs nouveaux ressortissants en facilitant l'adaptation de leurs noms et prénoms. La règle revêt un intérêt pratique certain. Les cas qui présentent des difficultés contiennent souvent une question de droit transitoire.
4. Le commentaire des articles
Article 1er
Les quatre idées directrices de la Convention trouvent leur expression dans les trois premières phrases de cet article (voir chapitre 3 de ce rapport explicatif). La possibilité d'une réserve est prévue à l'article 6.
Article 2
La Convention tend à unifier les règles générales de droit international privé des États contractants. Par conséquent, son domaine d'application ne se borne pas aux seuls ressortissants de ces États ou aux personnes qui y ont leur résidence habituelle.
Article 3
Cet article vise à augmenter l'utilité des extraits de l'acte de naissance sur le plan international. En effet, lorsque seuls les noms des père et mère sont énoncés, le nom de l'enfant doit être déterminé par déduction selon les règles de droit de l'État dont il est ressortissant. Souvent la connaissance du droit étranger manque pour déterminer avec certitude les noms des personnes qui sont originaires d'un autre pays. Dans la majorité des cas, l'acte de naissance est établi par un officier de l'état civil de l'État dont l'enfant nouveau-né possède la nationalité. Dans ce cas, la règle de l'article 3 ne suscite aucune difficulté pour les officiers de l'état civil.
Dans les cas où un acte de naissance d'un enfant de nationalité étrangère doit être établi, l'officier de l'état civil devra appliquer le droit étranger selon les dispositions de l'article 1. Pour remédier aux difficultés qui pourraient se poser pour lui, un aménagement a été prévu à l'article 5.
La Convention s'abstient de formuler la règle pour l'acte de naissance lui-même. Le législateur des États contractants décidera si des adaptations du droit interne sont inévitables. La règle prévue ne fera souvent qu'expliciter à l'intention de l'étranger ce qui est implicite dans l'acte de naissance. La Convention (n°1) relative à la délivrance de certains extraits d'actes de l'état civil destinés à l'étranger, signée le 27 septembre 1956, et la Convention (n°16), relative à la délivrance d'extraits plurilingues d'actes de l'état civil, signée à Vienne le 8 septembre 1976, prescrivent déjà l'indication des noms et prénoms dans des extraits d'actes de naissance.
Article 4
La Convention prévoit l'exception d'ordre public qu'impose la sagesse. On ne devra y avoir recours, qu'en se rappelant que les États contractants ont accepté les principes qui ont été formulés à l'article 1. L'application de cet article peut soulever des incertitudes et des inconvénients aux personnes intéressées si elle n'aboutit pas à une décision de justice.
Article 5
Lors de la préparation de la Convention, on s'est rendu compte des difficultés que peut soulever pour la grande majorité des officiers de l'état civil l'obligation d'appliquer d'office, le cas échéant, une loi étrangère, y compris ses règles de droit international privé. Pour les cas où l'urgence d'établir un acte ne leur permet pas de se renseigner, l'article 5 prévoit une solution provisoire. Il a été écrit à dessein "officier de l'état civil" et non pas "autorité" pour exprimer que les autorités supérieures ne peuvent invoquer la faculté prévue à cet article.
La Convention a préféré laisser ouverte la possibilité pour un État qui institue la procédure de rectification, de désigner une autorité qui agira d'office, bien qu'il soit souhaitable d'appliquer les règles exprimées à l'article 1. Il est conforme à l'esprit de la Convention que l'autorité qui est informée par l'officier de l'état civil dans le cas prévu au paragraphe 1, s'efforce d'assurer, s'il y a lieu et dans les meilleurs délais, la rectification de l'acte établi ; En outre, toute personne intéressée aura la faculté d'engager la procédure gratuite prévue au paragraphe 2.
Article 6
Le rattachement de la matière des noms a fait l'objet de longues délibérations. De manière de plus en plus ferme, on a tenu à maintenir le rattachement à la nationalité. Deux aménagements ont été prévus, dont l'un se trouve à l'article 6 qui permet de faire une réserve. C'est la seule réserve permise ainsi qu'il ressort expressément de l'article 6.
5. L'entrée en vigueur ; droit transitoire
La Convention ne contient pas de principes de droit transitoire. Cela ne signifie pas qu'il a été jugé superflu de les formuler. La question se pose de savoir si, la Convention une fois ratifiée, ses règles s'appliqueront désormais aux noms qui sont la conséquence de faits survenus antérieurement à l'entrée en vigueur de la Convention. Il est conforme au deuxième paragraphe de l'article 1 de laisser aux États contractants la faculté de poser des règles de droit transitoire.
Dans la mesure où le régime de la Convention met fin à une situation incertaine, l'application du régime conventionnel aux noms qui sont la conséquence de faits antérieurs à son entrée en vigueur se recommande. Cependant il vaut mieux ne pas bouleverser des situations qui se sont consolidées par le passé. Il faudra éviter qu'on se prévale du nom que des ascendants auraient dû porter si les règles de la Convention étaient en vigueur à l'époque.